Nous publions ce texte qui vient de Russie et qui dénonce toute forme de nationalisme, en particulier celui de la « Grande guerre patriotique » soviétique », qui n’est autre que la « grande guerre » de tous les exploiteurs contre les exploités. A ce culte des « héros », ce texte oppose l’internationalisme prolétarien. Même si nous ne partageons pas sa vision qu’une « future guerre mondiale accouche(rait) d'une nouvelle révolution prolétarienne, enfin mondiale et socialiste », ce texte s’inscrit dans un clair réveil prolétarien après plus de 70 années de capitalisme d’Etat.

Site « Left-dis »

LE 9 MAI : culte des héros de la «Grande Guerre Patriotique» (GGP)*

 

Voici le 9 Mai, fête de la grande victoire des exploiteurs de tous les pays sur leurs peuples. Cette fête indique bien comment, contrairement à la première guerre mondiale, les classes exploiteuses de blocs opposés ont réussi à transformer avec succès les masses exploitées en instruments obéissants pouvant être utilisés dans la lutte entre les exploiteurs pour le repartage du monde. Cette «fête», et avec elle en général le culte des héros de la « Grande Guerre Patriotique » (GGP) sert jusqu'à présent les bourgeoisies de la majorité des débris de l'ancienne URSS de manière aussi effective qu'elle servait jusque là la bureaucratie d'Etat de l'URSS, à savoir, les mêmes cruels exploiteurs que la bourgeoisie actuelle. A l'aide du culte des héros de la GGP, les oppresseurs suggéraient et suggèrent toujours aux opprimés la fierté pour ceux qui, avec abnégation et sans ménagement, luttaient pour l'enrichissement de leurs maîtres, pour l'élargissement et le renforcement du pouvoir de leurs chefs. Et malheureusement, les opprimés acceptent jusqu'ici inconditionnellement, en masse et comme une foi, le bobard que la victoire dans la GGP serait leur victoire. On peut comprendre les opprimés: on les presse et les humilie tellement, qu'ils sont contents de pouvoir, sous n'importe quel prétexte, être fiers de leurs ancêtres et d'eux-mêmes. Et c'est sur cela que les oppresseurs jouent.

On peut débattre pour savoir si la victoire de l'URSS et ses alliés «démocratiques» sur l'Allemagne et ses alliés avait une quelque signification progressive ou non. Mais dans tous les cas, indépendamment du résultat de cette discussion, une chose est évidente: le culte des héros la GGP est un instrument du pouvoir des exploiteurs sur les exploités, de la soumission des prolétaires russes, ukrainiens etc à la bourgeoisie. Grâce à ce culte, les exploiteurs renforcent les fondements de la «cellule» de la société de classe – la famille autoritaire – en consacrant l'autorité des ancêtres, en affermissant de ce fait le pouvoir des parents sur les enfants, et donc en divisant le prolétariat en générations – jeunes et vieux –, attirant de cette manière la vieille génération de son côté.

La bourgeoisie a le même but – scinder le prolétariat – lorsqu'elle jette aux vétérans de misérables aumônes sous forme d'avantages médiocres. Même si ces avantages ne couvrent pas du tout les forces dépensées, les préjudices pour la santé qu'ont du subir les vétérans en travaillant toute leur vie pour les exploiteurs et en luttant au front pour les intérêts de ceux-ci, ils concilient les vétérans avec l'Etat exploiteur et les opposent aux autres travailleurs exploités (tout comme le font les hymnes élogieux à l'adresse des héros de la GGP).

Enfin, le culte des héros de la GGP est un des moyens d'éduquer la jeunesse à l'esprit du nationalisme (qu'il soit soviétique, russe, biélorusse, ou autre...; dans tous les cas le nationalisme est l'instrument du pouvoir des exploiteurs sur les exploités). A l'aide de ce culte, les oppresseurs font avec la jeunesse exploitée la même chose que dans les clubs de football: ils l'unissent dans des groupes dirigés par les exploiteurs et en font des ennemis mutuels (quelle qu'en soit la raison: ethnique, sujetion à l'Etat ou dévouement une équipe de football – il s'agit toujours de la même chose), les exploiteurs par un moyen ou l'autre tirent de chaque hostilité les revenus qui les aident à affermir leur pouvoir.

« Diviser pour régner », voilà ce que fait la classe dominante à l'aide du culte des héros de la GGP. Voilà à quoi servent toutes ces oeuvres d'art célébrant « l'héroïsme du soldat soviétique », toutes ces chansons, ces livres, ces films, ces tableaux, ces monuments. Il faut préciser quelque chose à propos de ces monuments Certes, nous ne nous mobilisons pas pour appeler à leur destruction immédiate: de tels appels sont l'affaire de provocateurs comme Bylevskii, Sokolov, Goubkine et Kostenko. Mais après la victoire de la révolution prolétarienne il faudra supprimer ces idoles ignobles qui incarnent l'asservissement des travailleurs de l'Etat soviétique et leur service auprès de l'Etat exploiteur.

Il faut parler de cela à la jeunesse ouvrière et aux étudiants, parmi lesquels les révolutionnaires mènent et/ou ont mené leur propagande. Il faut leur expliquer que pour un travailleur, il n'y a dans l'histoire de tous les Etats du monde rien qui soit sacré ou qui ait du mérite, exceptées les révolutions détruisant ces Etats; que pour les masses exploitées il n'y a pas d'autres héros, exceptés les rebelles, les insurgés, les révolutionnaires. Et celui qui préconise les traditions de l'héroïsme militaire au service des maîtres et à leur fidélité, celui-là sert les bourgeois. Et si en plus de cela il se pare des habits du «communiste» et du «révolutionnaire», cela signifie dans le meilleur des cas que c'est un salaud opportuniste, et au pire simplement un bourgeois (souvent même fasciste). Il n'est alors vraiment plus très important de voir si l'on a devant soi un «stalinien» un «trotskiste», un «goskapoviets» ou un «adepte de la troisième voie» : on ne juge pas les gens sur leurs théories, mais sur leurs acte. Lors de la première guerre mondiale, les prolétaires de quelques pays en guerre ont réussi à transformer la guerre impérialiste en guerre civile. Malheureusement cela n'a pas été le cas durant la deuxième. Les impérialismes «totalitaires» et «démocratiques» ont très efficacement réussi à monter les travailleurs exploités les uns contre les autres et le deuxième grand repartage du monde ne vit pas les prolétaires tourner leurs fusils contre leurs propres maîtres. Aujourd'hui nous vivons à la veille du troisième grand repartage du monde; il faut faire en sorte que la loi dialectique de la négation de la négation se réalise et que la future guerre mondiale accouche d'une nouvelle révolution prolétarienne, enfin mondiale et socialiste.

* Texte diffusé en Russie, en mai 2001 par le groupe Kollektivisty ; e-mail : gprc@mail.ru