Quel
hommage au jeune Clément Méric, assassiné non par le «fascisme» mais par le
capital?
Clément
Méric était un jeune activiste de sensibilité libertaire (CNT) qui avec toute
la fougue de son âge (19 ans) s’était engagé contre les injustices du système
capitaliste. Comme
beaucoup de jeunes
profondément révoltés par ce système, il
crut qu’il suffisait de combattre les
formes extrêmes visibles du capital (l’extrême
droite) pour éveiller les
consciences endormies. Il est mort sur le coup dans une violente
bagarre avec
des skinheads, secte de pure violence raciste, au sortir d’une
vente privée de
vêtements. Son meurtrier skinhead était "agent de
sécurité" (du capital). Sur les bouquets de fleurs qui
ont été déposés rue de Caumartin,
lieu où il a été tué le 5 juin, près
d’une sordide poubelle du capitalisme, on
pouvait lire il y a peu : «Le capitalisme endort et
tue!».
A
peine mort, Clément servait d’alibi à tous les charognards. Des groupes
«antifascistes», «marxistes-léninistes», staliniens authentiques façon
Mélenchon, trotskystes et Ras l’Front de tout plumage, s’emparaient de son
cadavre. Dans une belle unanimité, des anarchistes au PCF, des manifestations
se déroulaient pour «honorer» la mémoire de Clément, en fait pour mieux la
DESHONORER.
Des anonymes «marxistes-léninistes», staliniens de tout horizon, appelaient dès le 6 juin à manifester «en deux lieux symboliques : métro Stalingrad et métro Barbès-Rochechouart. Stalingrad, ville symbole de la défaite du nazisme, Barbès-Rochechouart, haut lieu de la résistance antifasciste : le 21 août 1941, le premier occupant allemand est abattu par le colonel Fabien, signant ainsi l’acte fondateur de la libération de la France du nazisme, de la barbarie raciste et de l’oppression»[1]. Dans d’autres manifestations en province, les trotskystes (NPA, Lutte ouvrière) et les anarchistes officiels appelaient partout à manifester avec tous ces patriotes professionnels «contre le fascisme».
Ainsi
Clément Méric serait mort pour l’«antifascisme»
et finalement aurait été un «patriote» qui aurait pu lutter de nouveau
pour la «libération de la patrie» impérialiste française. On sait que cette
«patrie française», qui unit tous les partis du capital de l’extrême droite au
stalinisme, fêta dignement la « liberté retrouvée » le 8 mai 1945 par
l’épouvantable massacre de Sétif, mené sous la direction du chef stalinien des
FTP (Francs tireurs et partisans) Charles Tillon, ministre de l’aviation. Ce
sont ces mêmes staliniens «antifascistes» qui votèrent plus tard en 1956 les
pleins pouvoirs au socialiste Guy Mollet pour mener leur très patriotique et
sanglante guerre coloniale d’Algérie.
Si Clément est une deuxième fois assassiné (moralement) par toute cette bande de répugnants patriotes antifascistes, il ne faudrait pas qu’il le soit une troisième fois, par pur indifférentisme. Certains – qui ne sont même pas conscients de leur abyssal crétinisme – ne voient dans la mort de Clément qu’un «crime apolitique», la «mort d’un bobo antifa» (lisez : «bourgeois antifasciste»)[2]. Bref, comme auraient dit leurs ancêtres staliniens de mai 1968, la «mort d’un fils à papa». A ce jeu d’instrumentalisation de l’appartenance sociologique «de classe», les jeunes nervis d’extrême droite qui ont tué Clément Méric sont gagnants. Un site fasciste genevois demande «justice» pour l’assassin Esteban Murillo, «prolétaire, fils d’immigré espagnol, vivant en Seine Saint-Denis», provoqué par «un jeune bourgeois étudiant à Science-Po»[3].
Et
il
est vrai – ce qui N’EST PAS LE CAS aujourd’hui
– un vrai mouvement fasciste ne
peut s’enraciner qu’en acquérant la forme d’un
mouvement de masse avec une
forte «base prolétarienne». Quoi de plus
«prolétarien» et
«plébéien» en effet
que les SA dans l’Allemagne d’avant 1933 !
Si
l’«appartenance de classe» devait être un argument, alors la contre-révolution
pourrait triompher en toute tranquillité. La contre-révolution est pavée de
répression sauvage menée par des ouvriers ou d’anciens ouvriers. Les «ouvriers»
social-démocrates allemands Noske et Ebert, s’appuyant sur les corps francs
d’extrême droite, ont assassiné Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht –
sociologiquement des «bobos» (bourgeois) par leur origine sociale! – qu’ils
avaient fait déjà exclure des conseils ouvriers lors de la révolution de
novembre 1918.
N’oublions
jamais la vocation première de l’antifascisme : museler, puis écraser dans
le sang tout mouvement révolutionnaire prolétarien qui s’oppose à la «patrie»
qu’elle soit «républicaine» ou «socialiste». Au nom de l’antifascisme, les
nervis staliniens espagnols ont assassiné des milliers de prolétaires de
Barcelone en mai 1937. Et c’est derrière eux que les anarchistes d’aujourd’hui
appellent à manifester au nom de l’unité antifasciste !
Tout
appel à la formation d’un «front antifasciste» est un appel direct à une
alliance avec les assassins d’hier et de demain, de la gauche social-démocrate
aux résidus du stalinisme à la sauce Mélenchon. Tout appel à la formation d’un
« front antifasciste » avec le parti socialiste au pouvoir est un
appel direct au renforcement des groupes d’extrême droite : il suffit de
rappeler comment Mitterrand dans les années 1980 a sciemment favorisé le
développement du Front national pour de sordides raisons électorales, et
quelles passerelles REELLES existent entre ce parti et l’extrême droite, comme
l’a montré récemment l’affaire Cahuzac, ce ministre escroc du budget, qui
s’était fait ouvert un compte secret en Suisse avec l’aide de séides d’extrême
droite.
Tout
appel à l’ «unité antifasciste» n’est pas simplement profaner la mémoire de
Clément Méric, c’est désarmer les jeunes énergies qui s’engagent pour la
première fois dans une activité politique contre le capital, c’est finalement
préparer la voie qui mène aux défaites
de demain, où se nouera inexorablement une sainte-alliance de toutes les forces
du capital (de l’extrême droite à la gauche) contre tout mouvement de classe
internationaliste.
Trahir
la mémoire de Clément, ce serait le transformer en un martyr de
«l’antifascisme»; honorer sa mémoire, c’est appeler à combattre le capitalisme
quelle que soit sa forme «fasciste» et/ou «antifasciste», “marxiste-léniniste”
et libérale.
Il y
aura d’autres Clément Méric, mais ils vivront, car ils comprendront très vite
qu’ils n’ont aucun intérêt à suivre la voie délétère et suicidaire de
l’«antifascisme». Ils devront s’engager dans un combat de longue haleine et
sans merci contre le capital, dont TOUTES les expressions politiques, qu’elles
soient «fascistes», «social-démocrates», ou «staliniennes» alimentent les
meutes de la contre-révolution.
N’oublions
jamais Clément Méric, mort hélas ! trop jeune pour participer aux combats
décisifs de demain!
ФБ